Il y a un avant. Et puis un après.
Parfois brutal, parfois progressif, parfois temporaire, parfois pas. Mais ce qui est certain, c’est que lorsqu’un handicap survient en cours de vie, rien n’est plus tout à fait comme avant. Ni les gestes du quotidien, ni les sensations, ni… l’intimité.
Et là, on entre dans une zone souvent oubliée des discours médicaux : la sexualité, le désir, le plaisir, les câlins, les envies… Bref, tout ce qui fait qu’on se sent vivant(e), entier(e), désirant(e). Et non, ce n’est pas un « détail » #Sex0Authentique
Minute culture inutile (donc indispensable) : s’adapter c’est ajuster et les connaissances permettent d’ajuster : c’est Léonard de Vinci qui a découvert que le pénis en érection se gorgeait de sang : jusqu’ici, on pensait que le membre masculin se remplissait… d’air.
Joëlle Laurencin
Corps 2.0 : mise à jour en cours
Quand le corps change, le rapport à soi change aussi. Nouveaux contours, nouvelles sensations (ou absence de sensations), cicatrices visibles ou invisibles, gestes qui ne répondent plus comme avant… On a parfois l’impression d’avoir téléchargé une nouvelle version de soi-même… sans le mode d’emploi.
#konselediz : on peut réapprendre. Pas forcément à « faire comme avant », mais à faire autrement. L’intimité n’est pas figée dans un seul format. Elle est souple, inventive, adaptable… un peu comme un vieux jean qu’on ajuste à sa nouvelle morphologie.
Le désir n’est pas foutu, il est juste paumé
On ne ressent plus « comme avant » ? On ne sait plus par quoi commencer ? On se demande même si c’est encore possible ou légitime d’avoir du désir ? Bienvenue dans le club des êtres humains. Avec ou sans handicap, ce sont des questions universelles — mais après un accident, une maladie, ou une chirurgie, elles deviennent parfois plus bruyantes.
Et si on osait les poser franchement, sans tabou, ni jugement ?
👉 « Est-ce que je peux encore séduire ? »
👉 « Et si je ne ressens plus rien à certains endroits ? »
👉 « Est-ce qu’on peut faire l’amour avec une perfusion, une attelle et un peu de fatigue ? »
Réponse courte : oui. Réponse longue : ça dépend… mais oui, promis.
Communication, humour et imagination : le trio gagnant
On veut raviver la flamme ou simplement retrouver une forme de connexion intime avec son corps ou avec son/sa partenaire ? Trois ingrédients magiques :
👉 La communication : oui, parler. Avec des vrais mots. Même maladroits. Même si c’est gênant. Surtout si c’est gênant.
👉 L’humour : parce que si on ne peut pas en rire, parfois on s’effondre. Et parce que dire « Je suis coincé(e) dans ma position sexy numéro 2, appelle les secours », c’est quand même plus léger que de paniquer.
👉 L’imagination : explorer d’autres manières de se connecter. Ça peut être des massages, des caresses prolongées, des jeux de rôle, des objets, ou simplement des mots doux murmurés sans pression de « performance ».
Recréer, pas réparer
L’objectif, ce n’est pas de « retrouver l’intimité comme avant ». C’est de la réinventer, à son rythme, avec ce corps-là, ce vécu-là, ces émotions-là.
Et parfois, surprise : ce « nouveau chapitre » peut être plus profond, plus connecté, plus tendre. Parce qu’il n’y a plus de place pour le superficiel, le faire semblant ou la performance à tout prix.

En solo ou à deux : se redécouvrir autrement
Quand le corps change, que les repères volent en éclat, il est parfois nécessaire de repartir de zéro. Et cette redécouverte passe autant par soi que par l’autre. La bonne nouvelle ? Il n’est jamais trop tard pour réapprendre à se connaître, même après des années de vie commune… ou de célibat.

L’aide technique, un accessoire… intime ?
Fauteuil roulant, canne, corset, attelle, prothèse, respirateur, sonde… Ces objets du quotidien, souvent perçus comme purement fonctionnels, peuvent devenir de véritables enjeux dans la vie intime. Ils peuvent être vus comme gênants, encombrants, « tue-l’amour ». Mais… et si on changeait de regard ? Et si, au lieu de les cacher ou de les subir, on les intégrait dans le champ des possibles ? Voire, soyons fous, dans celui du désir ?
Et si on arrêtait de les voir comme des barrières ?
Prenons un fauteuil roulant. Il peut sembler, de prime abord, comme une contrainte : il occupe de l’espace, impose certaines positions, limite d’autres. Mais il peut aussi devenir un support, une base stable, un élément à part entière du scénario intime. Il suffit parfois d’un brin d’imagination et d’un bon coussin.
Pareil pour une canne, une orthèse, une attelle : est-ce qu’on les laisse dans un coin avec les chaussettes ou est-ce qu’on les intègre dans le moment ? Il n’y a pas de règle. Mais plus on les normalise dans l’intimité, plus elles cessent d’être des objets « dehors de la chambre ».
Ces objets qui deviennent partie du jeu
Il existe des témoignages très beaux de personnes qui racontent comment un objet technique est devenu un allié dans leur sexualité. Par exemple, un couple qui utilise le fauteuil comme support pour certaines positions ; une personne qui a appris à se masturber en tenant un sextoy avec une orthèse de main ; une autre qui incorpore sa canne dans un jeu de rôle.
Et là, on touche à quelque chose de puissant : la re-signification. Un objet qui servait à compenser devient un objet de créativité, voire d’érotisme. Il cesse d’être uniquement lié à la dépendance ou à la fragilité, pour devenir aussi un symbole de force, d’adaptation, de plaisir assumé.
La peur du regard de l’autre
Quand le corps change, que les gestes ne suivent plus comme avant, que des marques, des cicatrices ou des appareils s’invitent dans l’intimité, une question se faufile souvent en silence : « Et si je ne plaisais plus ? » Cette crainte du rejet, du dégoût ou simplement de ne plus « correspondre » à l’image qu’on pense que l’autre attend, peut devenir un vrai frein. Pas seulement à la sexualité, mais à l’estime de soi, à l’envie même d’oser un rapprochement.
Et pourtant…
Le regard le plus cruel… c’est souvent le nôtre
Avant même que l’autre ait le temps de poser un regard, on a déjà jugé, évalué, anticipé. « Il va voir ma cicatrice. » « Elle va remarquer que je ne peux pas bouger comme avant. » « Il va être gêné par mon appareillage. » Et si, en fait… non ?
L’autre n’est pas un juge, mais un partenaire
Quand on est en couple, ou même dans une relation naissante, il peut être tentant de tout contrôler. Montrer le « meilleur profil », cacher ce qu’on juge honteux. Mais l’intimité véritable, celle qui nourrit et répare, naît dans la vulnérabilité partagée.
Apprivoiser le miroir… à son rythme
Parfois, pour oser le regard de l’autre, il faut d’abord apprivoiser le sien. Se regarder nu(e). Toucher sa peau. Se parler gentiment. Mettre une crème avec tendresse. Choisir des vêtements dans lesquels on se sent beau/belle — pas pour cacher, mais pour célébrer.
En conclusion :
L’intimité ne s’éteint pas, elle se transforme.
Adapter son intimité après un handicap acquis, c’est un chemin. Parfois semé d’embûches, de doutes, de larmes… mais aussi de découvertes, de tendresse et de fous rires complices.
Alors non, ce n’est pas « foutu ». C’est vivant. Et vivant, c’est simplement très beau.

Avant d’être ici pour vous, j’ai été vous :
À la suite de mon accouchement, il a fallu appréhender ce corps meurtri. A composer avec ses nouvelles humeurs et ses limites. Niveau intimité, nous avons connu une longue période d’abstinence, il a fallu apprendre à se reconnecter à soi-même et à l’autre. A se retrouver, à se renouveler. Je n’étais « à l’aise » qu’après une douche minutieuse, dans le lit car lieu familier ou j’avais mes commodités à proximité. Certains pratiques n’étaient plus possibles, il a fallu accepter non seulement pour moi mais également pour mon mari qui, comme moi, n’avait rien demandé de tout cela.
A cela on ajoute l’exposition de notre intimité au corps médical. Et là, je pense que si j’avais été pudique, j’aurai pu m’étouffer avec ma propre existence par cette « exposition » de mon corps à de parfaits inconnus. Et pour preuve : le proctologue qui m’auscultait (dans une position très inconfortable et peu glorieuse) m’a demandé « comme votre cas est rare, puis-je demander à des étudiants de venir voir ? ».
D’abord sur la réserve, je me suis dit qu’il fallait bien que les médecins en devenir aient matière à étudier pour aider leurs patients de demain. N’étant pas égoïste, j’ai accepté de donner de ma personne pour faire avancer la science (#sauveuseinside).
Se détacher de son corps – parfois pour se protéger -, se sentir tel un spécimen « hors du commun » que l’on doit étudier et pour lequel on doit trouver des solutions, peut être une expérience difficile à vivre. L’empathie et parfois la pitié que ma situation peut susciter chez les autres n’aident pas toujours à se reconnecter à soi-même.
Dans ces moments, la parole peut s’avérer salvatrice. Pouvoir exprimer ses ressentis, ses doutes et ses interrogations peut permettre de mieux les appréhender et de se réapproprier son propre corps et son identité. C’est un processus complexe, mais essentiel pour surmonter les défis posés par un handicap acquis.
Au-delà du regard des autres, le plus important est de pouvoir trouver les ressources et le soutien nécessaires pour traverser cette épreuve et se reconstruire, à son rythme et selon ses propres besoins. Chaque personne est unique et doit pouvoir trouver sa propre voie vers le mieux-être. ❤️
À très vite pour d’autres éclats de vie (et de rire) ! #Sex0Authentique