On ne va pas se mentir : dès qu’on associe les mots handicap et sexualité, beaucoup de cerveaux partent en mode bug. Malaise, silence, regards en coin… Comme si la vie affective et intime s’arrêtait avant la case « mobilité réduite ».
#konselediz : c’est faux. Et ça mérite qu’on en parle. Vraiment. Et pas juste entre deux portes ou dans un recoin de forum médical, mais à voix haute (en l’occurrence ici qu’on l’écrive), avec bienveillance, curiosité et pourquoi pas, une bonne dose d’humour (parce que franchement, ça aide) #Sex0Authentique
Minute culture inutile (donc indispensable) : le handicap est parfois là où on veut bien le voir… chaque année, à New-York, se tient le concours du plus petit pénis. En 2013, c’est un Américain qui a remporté la compétition avec un (honorable) score de 7,6 cm au repos. Il a gagné 200 dollars… et un sceptre orné d’une loupe.
Source : Smallest Penis Contest Winner Tells Us Why He’s Proud To Be Less Endowed – Gothamist
Ce concours, loin d’être une moquerie, célèbre la diversité corporelle, l’autodérision et le courage de s’exposer tel qu’on est. Une petite révolution à lui tout seul, non ?

Non, les personnes en situation de handicap ne sont pas asexuées
Il est temps de le dire haut et fort : être en situation de handicap n’efface ni le désir, ni le besoin de tendresse, ni les envies charnelles. Non, on ne devient pas une sorte de moine tibétain dès qu’on a un fauteuil roulant, une canne blanche ou toute autre invalidité visible ou non. La libido ne se déconnecte pas en même temps que certaines fonctions physiques ou motrices.
Par contre, ce qui se met souvent en travers du chemin, ce sont :

On projette beaucoup de choses sur le corps handicapé : de la compassion mal placée, de la gêne, du fantasme fétichiste aussi parfois (oui oui, on en parlera), mais rarement une vision complète, humaine, désirante, autonome ou accompagnée. Et pourtant, ce sont des réalités bien vivantes.
Le corps, ce mal-aimé
Ce n’est déjà pas simple de se réconcilier avec son enveloppe dans un monde obsédé par l’apparence physique, le « paraître », le culte de la performance et le « summer body ». Alors quand ce corps ne correspond pas aux standards « validistes », l’affaire se corse.
Le handicap impose souvent une nouvelle lecture du corps. On doit apprivoiser ses limites, parfois ses douleurs, ses transformations, ses rythmes. Pour beaucoup, cela signifie aussi faire la paix avec l’idée que le plaisir ne passe pas forcément par les chemins habituels. Et là, ça devient intéressant : parce qu’on découvre que la sexualité, ce n’est pas juste « du missionnaire le samedi soir ».
On parle peu du rapport au corps dans le handicap : la douleur, la dépendance, les appareils médicaux… mais aussi le plaisir, les zones érogènes qui changent, le regard de l’autre, et celui qu’on pose sur soi. Et pourtant, tout cela fait partie intégrante de l’intimité. Le corps peut devenir un terrain de jeu, un espace à réexplorer, à redéfinir. Il n’y a pas UNE norme, il y a des trajectoires multiples.

Et si on arrêtait de se demander « Est-ce que mon corps est désirable ? » pour se poser la vraie question : « Est-ce que je me donne le droit de vivre du désir ?«
Quand l’aide devient obstacle… ou passerelle
Un autre tabou bien coriace : celui de la dépendance. Comment vivre sa sexualité quand on a besoin d’aide pour se laver, se déplacer, parfois même pour s’habiller ? Et comment en parler sans déclencher un « oulala » de malaise chez l’interlocuteur ?
La réponse est : avec authenticité. Et parfois une bonne dose d’humour pour dédramatiser.
👉 « Tu veux qu’on se découvre ? Très bien, mais tu vas devoir m’aider à retirer mon manteau. Glamour, non ? »
Eh bien si, justement. Parce que l’intimité, la vraie, c’est celle qui s’adapte, qui rit des imprévus, et qui ne se résume pas à une image photoshopée de la sensualité.
Et puis, parfois, ce sont les partenaires eux-mêmes qui deviennent « aidants », le temps d’un bouton de chemise à détacher ou d’un lit à ajuster. Le vrai lien naît là : dans la complicité, l’envie de créer du possible, ensemble.
Le droit au plaisir n’est pas optionnel
Trop souvent, la sexualité dans le handicap est soit ignorée, soit médicalisée à l’extrême. On parle de « sexualité assistée », de « droits à la vie affective » comme s’il fallait demander la permission d’exister autrement qu’en patient. Comme si on devait présenter un justificatif de désir.
Et pourtant, chacun(e) a le droit d’explorer son intimité, à sa manière. En solo, en duo, en trio s’il faut — avec ou sans partenaire, avec des outils, de l’imagination, et surtout : de la liberté.
Certaines personnes redécouvrent leur corps via la masturbation, d’autres se tournent vers des professionnels de l’accompagnement sexuel (quand la loi l’autorise — vaste débat), d’autres encore explorent leur désir à travers des jeux, des récits érotiques, des stimulations sensorielles variées. Rien n’est « anormal » si c’est consenti, choisi, joyeux.

La sexualité n’est pas un luxe. Ce n’est pas une cerise sur le gâteau de la vie. C’est un besoin profond d’expression, de lien, de vitalité.
Le fantasme du handicap : quand le fétichisme flirte avec la déshumanisation
On ne va pas tourner autour du pot : le fantasme du corps handicapé, ça existe. On parle ici de devotees, ces personnes attirées sexuellement (parfois exclusivement) par des personnes en situation de handicap. Dit comme ça, on pourrait se dire « Enfin quelqu’un qui me regarde avec désir ». Mais comme souvent, le diable est dans les détails.
Ce type d’attirance n’est pas forcément problématique en soi. Chacun a ses goûts, ses préférences, ses zones de frisson. Le souci, c’est quand le désir devient fétiche et que l’humain derrière disparaît. Quand on ne voit plus la personne, mais juste un attribut : la prothèse, le fauteuil, la cicatrice.
Ce n’est pas de l’amour, ce n’est même pas toujours du respect. C’est de la consommation d’image.
Certain(es) le vivent comme une objectification pure et dure. D’autres arrivent à en tirer une forme de valorisation personnelle, en posant leurs limites, en cadrant les échanges. Ce qu’il faut retenir, c’est que le fétichisme ne donne aucun passe-droit : ni pour dépasser le consentement, ni pour éviter une conversation honnête sur les attentes et les besoins de chacun.
Le fantasme ne doit jamais écraser la personne. Et si on devait retenir une phrase clé : l’attirance n’excuse pas la déshumanisation.
Quand le handicap rend la communication plus essentielle que jamais (et c’est une bonne chose)
On dit souvent que la communication est la base de toute relation épanouissante. Eh bien dans le cadre du handicap, c’est encore plus vrai. Parce que quand certaines choses ne peuvent pas se faire « comme d’habitude », il faut en parler. Et quand on parle, on construit une intimité qui va bien au-delà des gestes.
Exprimer ce qu’on aime, ce qu’on n’aime pas, ce qui est faisable ou non, ce qu’on aimerait essayer… C’est loin d’être évident. Mais c’est précieux. Et paradoxalement, beaucoup de personnes en situation de handicap développent une capacité exceptionnelle à verbaliser leurs besoins, à s’ajuster, à proposer.
Dans un monde où beaucoup de gens pensent que « si tu m’aimes, tu devineras ce que je ressens », cette clarté est un vrai cadeau. Oui, il faut parfois expliquer qu’on ne sent rien à tel endroit, qu’il faut faire doucement ici, qu’on préfère être touché(e) là. Mais cette précision ouvre aussi la voie à une sexualité plus consciente, plus riche, plus créative.

Et franchement, dans un lit (ou ailleurs), pouvoir dire « Stop », « Encore », « Un peu plus haut » ou « Change de tempo » sans crainte, c’est la base de toute bonne chorégraphie érotique, non ?
Éducation sexuelle et handicap : on en parle quand, exactement ?
On parle d’éducation sexuelle à l’école, dans les médias (parfois), dans les séries (de plus en plus). Mais quand est-ce qu’on parle de sexualité et de handicap ? Très rarement. Et souvent, de manière maladroite, incomplète ou carrément absente.
Pourtant, les personnes concernées ont les mêmes questions que tout le monde, avec parfois quelques bonus :

L’absence d’information alimente l’ignorance, les peurs, les blocages. Et ça ne touche pas que les personnes en situation de handicap : les partenaires aussi ont besoin d’outils pour comprendre, s’adapter, poser des questions sans tabou.
Des associations comme Handicap International, SEHP, ou encore des collectifs indépendants proposent des ateliers, des livres, des podcasts. Mais il faudrait que ça entre dans les programmes officiels, dans les formations des soignants, des éducateurs, des familles. Que ce ne soit plus un sujet à part, mais une composante naturelle de l’éducation à la vie affective et sexuelle.
Parce qu’en invisibilisant, on nie. Et en niant, on isole.
Les aidants, ces témoins de l’ombre (et parfois de l’intime)
On n’en parle pas assez, mais il y a dans l’équation de la sexualité et du handicap un acteur discret, parfois invisible, et pourtant omniprésent : l’aidant.
Professionnel ou proche, parent ou conjoint, l’aidant est celui ou celle qui soutient, qui accompagne, qui gère le quotidien, le corps, l’intendance, les soins. Un rôle noble, nécessaire, mais aussi parfois chargé d’une responsabilité émotionnelle immense — et d’une pudeur qu’on n’aborde presque jamais. Parce que oui, quand on est aidant, comment fait-on pour se positionner face à l’intimité de l’autre ? Comment respecter la frontière entre « aider à vivre » et « laisser vivre », tout court ?
Certain(es) aidant(es) sont confronté(es), de près ou de loin, à des demandes d’intimité, à des conversations autour du désir, à des moments de gêne ou de flou. Et souvent, ils n’ont ni la formation, ni l’espace, ni même l’autorisation morale d’en parler.

👉 Alors soyons clairs : soutenir l’autonomie affective et sexuelle ne fait pas de vous un voyeur, ni un « complice gênant ». Cela fait de vous une personne humaine, qui reconnaît chez l’autre son droit fondamental à l’amour, au plaisir, et à la tendresse.
Parfois, aider quelqu’un à vivre sa sexualité, ce n’est pas participer. C’est :
- respecter les moments d’intimité,
- faciliter l’accès à des espaces privés,
- être à l’écoute sans juger,
- ou tout simplement permettre que le sujet soit posé, calmement, sans tabou ni ricanement.
Et si vous êtes vous-même aidant(e) : sachez qu’il est aussi important de prendre soin de vous, de vos limites, de vos émotions dans tout ça. L’intime est un terrain sensible, et personne ne devrait s’y perdre sans boussole ni soutien.
Alors, pour que l’intimité des personnes en situation de handicap soit respectée et pleinement vécue, il est essentiel de penser aussi au rôle et à la place des aidants dans cette équation. Non pas pour les rendre invisibles, mais pour leur permettre d’être des allié(es) éclairé(es), respecté(es), et formé(es). Parce qu’après tout, on ne peut pas accompagner avec bienveillance ce qu’on n’a jamais eu le droit de comprendre.
En conclusion :
Il n’y a pas de « bonne » ou de « mauvaise » sexualité. Il y a des envies, des limites, des adaptations, des essais, des ratés, des fous rires, des frustrations et des grandes victoires. Et dans le handicap comme ailleurs, ça fait partie de la vie.
Alors, si on pouvait juste troquer les tabous contre des questions ouvertes, les jugements contre de l’écoute, et les silences gênés contre un bon fou rire complice… ce serait déjà un énorme pas en avant.
Et surtout : le droit d’aimer et d’être aimé(e), de désirer et d’être désiré(e), ne s’arrête jamais à une étiquette médicale.


Avant d’être ici pour vous, j’ai été vous :
Oui, vraiment. De l’autre côté du miroir, du bureau, de l’écran — appelez ça comme vous voulez. J’ai cherché, j’ai douté, j’ai tapé dans Google des questions que je n’aurais jamais osé poser à voix haute. Et j’ai souvent eu l’impression de me heurter à un mur : celui de l’ignorance, des tabous, et parfois même du silence poli (mais bien pesant).
Porteuse de handicap intime et invisible depuis mon accouchement en 2009, je vis avec cette réalité nichée dans mon quotidien, discrète mais constante. Elle ne se voit pas, ou du moins pas toujours. Et pourtant, elle est là. Dans mes gestes, dans mes ressentis, dans mes choix — et, surtout, dans le regard que les autres posent sur moi.
Ce que je rencontre le plus souvent ? La curiosité (parfois maladroite), la méconnaissance (souvent sincère), et l’incompréhension (parce que « ça ne se voit pas »). En caisse prioritaire, on me demande parfois si je ne me suis pas trompée de file. Sur le parking, on m’interpelle car je suis sur une place réservée aux personnes porteuses de handicap. Je souris, je respire, et je sors souvent la carte de l’auto-dérision. C’est devenu une seconde peau. Une carapace, certes, mais aussi un outil d’ouverture.
Parce que l’humour, mine de rien, c’est un vrai superpouvoir. Il désamorce, il fait tomber les barrières, il déride les fronts froncés et il ouvre les oreilles. Il permet d’éduquer sans donner l’impression de faire la leçon. Il permet de parler de sexe, de corps, de limites, de douleurs, sans plomber l’ambiance. Il peut même faire rire et réfléchir en même temps. (Oui, c’est possible, et non, ce n’est pas réservé à Florence Foresti.)
Alors non, je ne suis pas « forte » ou « courageuse » au sens où on l’entend souvent (vous savez, ces mots que l’on offre à quelqu’un qui n’a pas eu le choix). Mais j’ai appris à transformer ma vulnérabilité en outil de lien, ma différence en sujet de discussion, et mes galères en anecdotes avec un brin d’absurde.
Aujourd’hui, je suis ici pour vous écouter, vous accompagner, vous rassurer peut-être. Mais surtout pour vous dire ceci : vous avez le droit d’être exactement là où vous en êtes. Avec vos doutes, vos blessures, vos envies, vos hontes aussi parfois. Ce n’est pas un chemin tout droit, c’est un sentier un peu sinueux — mais promis, on peut le faire ensemble, avec bienveillance… et quelques éclats de rire bien placés❤️
À très vite pour d’autres éclats de vie (et de rire) ! #Sex0Authentique